Le contexte
Le report de l’âge légal de départ à la retraite, combiné au taux de chômage anormalement élevé des plus de 60 ans (il avoisine les 68 % en Bretagne), a mis en lumière la problématique du maintien dans l’emploi des salariés seniors.
En Bretagne, le secteur du bâtiment a souhaité s’emparer de ce sujet, d’autant que près de 23 % des salariés évoluant dans nos métiers sont âgés de plus de 50 ans. La Cellule économique de Bretagne a ainsi entrepris une étude sur l’emploi des seniors (entendus comme ayant plus de 50 ans). Sur la base d’une enquête fouillée*, de plusieurs entretiens ainsi que de focus groupes, les données récoltées ont permis de dresser un état des lieux de la situation des seniors au sein des entreprises du bâtiment et d’esquisser des pistes pour mieux les accompagner.
Cet article aborde ces différents points en partant des quatre principales préoccupations exprimées par les salariés concernant leur avenir. Les infographies apportent un éclairage complémentaire selon l’âge et la catégorie socioprofessionnelle des répondants.
*L’enquête a été réalisée auprès de 65 entreprises et 201 salariés/retraités du bâtiment en Bretagne.
« Quelles attentes avez-vous concernant votre emploi pour les années à venir ? »
« Préserver ma santé »
Lorsqu’on interroge les salariés sur leur projection dans les années à venir, la préservation de leur santé est de loin leur priorité (79 %), et ce quel que soit l’âge et le métier exercé. Les entreprises sont conscientes de cet enjeu puisque 71 % d’entre elles mettent en place des moyens spécifiques pour préserver la santé de leurs effectifs seniors. Deux types d’action sont plus particulièrement mis en avant :
- L’assouplissement du rythme du travail. Pour les salariés il s’agit du levier prioritaire à actionner : 51 % des plus de 50 ans souhaitent bénéficier d‘une retraite progressive et 45 % d’un aménagement du temps de travail.
- L’amélioration des conditions de travail et de l’environnement associé. Une première réponse, davantage plébiscitée par les ouvriers (42 %), concerne l’adaptation du poste du travail
Mais la préservation de la santé est une thématique sensible. On constate une incompréhension entre des salariés qui semblent attendre plus d’engagement de la part de leur dirigeant et en face, des entreprises dont les efforts ne rencontrent pas l’adhésion espérée. Ce sujet se situant, en outre, à la frontière de la vie privée, l’implication de l’employeur ne doit pas être considérée comme intrusive.
Pour surmonter ces difficultés, il est préconisé une action volontariste sur le management : former les encadrants au dialogue ; co-construire avec les collaborateurs une politique globale de préservation de la santé des salariés.
« Dans beaucoup de métiers du bâtiment, l’aménagement de la fin de carrière ou une reconversion préserveraient la santé des salariés »
Salarié de production ayant entre 55 et 59 ans
« Sécuriser mon employabilité »
Dans les préoccupations vis-à-vis de l’avenir, l’employabilité figure en 2ème position (66 %). Source d’anxiété pour les seniors, l’éventualité de la perte d’emploi doit être mieux anticipée, en identifiant au plus tôt les compétences et les parcours envisageables. L’entretien professionnel peut offrir un premier aperçu. Approfondir ce travail d’identification via un bilan de compétences est fortement recommandé : il permettra au salarié senior de valoriser plus facilement son profil sur le marché du travail, voire d’envisager des formations, et au-delà de le rassurer. A noter que les acteurs de l’emploi et de la formation ont développé un panel d’outils dédié à l’accompagnement de ce public.
Au regard de cette appréhension, un autre chiffre doit être soulevé : 56 % des entreprises interrogées considèrent que l’âge n’est pas un frein au recrutement. Les seniors disposent d’un réel atout, en plus de leurs connaissances et savoir-faire : leurs savoir-être. Ils inspirent notamment une certaine stabilité, par opposition à la « volatilité » couramment associée aux jeunes.
A contrario, 44 % des employeurs sont rétifs à embaucher un senior. Les conditions physiques, le risque financier dans le cas d’un reclassement par exemple, ainsi que la charge des indemnités de fin de carrière assumées par le dernier employeur sont les premiers motifs mentionnés. Des incitations fiscales et règlementaires, ou encore des contrats aidés, pourraient lever ce frein financier.
« Me sentir utile et valorisé »
Le sentiment d’être utile et valorisé est la 3ème attente exprimée par les salariés (56 %). Olivier Bourquard* souligne l’importance de la reconnaissance des seniors, d’autant qu’ils peuvent être associés « à une image négative dans le monde du travail : moins productifs, plus facilement malades ou en arrêt, plus chers à l’entreprise ».
L’une des actions phares de valorisation, à la fois plébiscitée par les salariés (39 %) et les entreprises (74 %), est la transmission des compétences. Elle présente l’intérêt d’alléger le temps de travail physique du senior tout en lui conférant le statut de « ressource » au sein de la structure. Mais cette fonction exige certains prérequis, notamment avoir la fibre de la formation et des compétences non obsolètes.
*Olivier Bourquard est conseiller en relations humaines et ambassadeur de la Chaire Vivre Ensemble de la Fondation de l’Université de Rennes.
« Nous cherchons à fidéliser nos salariés les plus anciens car ils sont un puits de savoir pour les générations à venir »
Dirigeant d’une entreprise dans l’aménagement-bois ayant entre 10 et 29 salariés
« Développer de nouvelles compétences »
La 4ème préoccupation porte sur le développement de nouvelles compétences (34 %). On constate des disparités flagrantes selon l’âge des personnes interrogées : cette attente est citée par 66 % des salariés de moins de 50 ans et seulement 28 % des plus de 50 ans. Les salariés seniors aspirent essentiellement à conserver leur poste avec les mêmes missions, tandis que les moins de 50 ans se projettent davantage dans une évolution professionnelle.
Néanmoins, la sensibilisation des seniors au développement de ses compétences ne doit pas être négligée par l’entreprise.
En conclusion, on peut reprendre l’analyse d’Olivier Bourquard, considérant qu’il n’y a pas de solution unique dans l’accompagnement du senior. Il appartient à l’employeur de réaliser un diagnostic, en intégrant toutes les parties du projet (l’individu, sa relation avec les autres et le collectif, soit l’entreprise) puis, à partir de là, de proposer différentes pistes d’action.